jeudi 26 février 2015

Guide à l'usage des clients, afin de ne pas faire tomber leur graphiste en dépression


Avant de devenir une employée tout à fait classique qui s'ennuie au bureau (et écrit sur son blog du coup, ne me dites pas que vous n'avez pas remarqué que je ne publie jamais rien le week-end ?), j'ai été graphiste indépendante pendant deux ans. Deux années qui ont suffit à me dégouter suffisamment du métier pour que je décide qu’être exécutante c’était tout à fait bien...
Pourquoi me direz-vous ? La réponse tiens en un mot : les clients.
Leur courir après pour les convaincre de faire appel à moi, soit. Leur courir ensuite après pour qu'ils payent le travail effectué, c'est le jeu ma pauvre Lucette. Les regarder foutre en l'air votre travail sous prétexte qu'ils payent et donc décident.... heu non.
Graphiste, ce n'est pas artiste. Le graphiste ne vise pas la beauté mais l'efficacité. Il a été formé pour ça (ce n'est pas pour rien que les études s'appellent "communication visuelle"), et donc s'il met du vert sur un document, et même un vert particulier, ce n'est pas parce qu'il trouve ça beau, c'est parce qu'il sait que cette couleur appelle une sensation particulière dans l'inconscient collectif et qu'il veut en faire usage, il veut que les spectateurs ressentent cette sensation en voyant ce document. C'est tout. Sur cette base il devient évident que "mettez du rouge, je n'aime pas le vert" est plutôt difficile à accepter.
Entendons nous bien, il est compréhensible que le client veule que le document corresponde à ses gouts. Compréhensible mais erroné car c'est faire l'impasse complète sur l'expertise du graphiste. Le client n'est pas le public et c'est au public, à la "cible" pour utiliser le parler "pubart" que cela doit correspondre.
Si le problème ne se pose pas pour les grandes entreprises, qui ont un service marketing (avec des gens qui sont donc formés pour mettre de coté leur sens esthétique et pour viser l'efficacité) il est récurent et quasi inévitable pour les petites boites, les particuliers et les associations. Et comme on peut tous un jour se retrouver dans le rôle du client, voici quelques conseils pratique pour ne pas faire faire de crise de nerf à votre graphiste, et mettre en place une relation efficace et productive.



1) Ne dites pas "je te fais confiance tu as carte blanche" si vous ne le pensez pas. Si vous avez une idée en tête, n'hésitez pas et dites la, si possible le plus précisément que vous pouvez. Cela évitera un premier aller et retour inutile et cela n’empêchera pas votre graphiste de vous proposer d'autres idées. N'ayez pas peur de brider sa créativité les contraintes sont dans ce métier plus bénéfique que maléfique.

2) Pour briefer réfléchissez à l'image que vous voulez donner au public de ce que vous présentez. Est ce que votre produit/événement doit paraitre branché ou pérenne ? Naturel ou technologique ? Etc. Là encore n’hésitez pas à en dire le plus possible, voire à brainstormer avec le graphiste sur le sujet, plus il aura d'information avant de s'y mettre et plus il pourra se rapprocher de votre vision. Par contre attention, certains mots ne veulent pas dire la même chose d'une personne à l'autre (c'est le cas de "classe" et de "moderne" notamment) n’hésitez donc pas à vous appuyer sur des exemples visuels qui pour vous appellent ce concept.

3) Pensez à votre hiérarchisation. Toutes les informations textuelles que vous voudrez faire figurer ne pourrons pas apparaitre avec la même importance. Si tout est en extra bold, souligné et en corps 230 vous pouvez être sur que votre public passera à coté de la totalité des informations, ce sera aussi inefficace que de tout mettre en tout petit. Ce qu'il faut mettre en valeur c'est ce qui accrochera le public, ce qui l'incitera à lire le reste, inutile de le matraquer d'informations, si sa curiosité est piquée il ira les chercher de toute manière.

4) Soyez précis sur vos contraintes techniques. Quel format voulez-vous ? Ne serai-ce que cette information, c'est le Graal pour votre graphiste. Il travaillera en effet différemment pour une affiche A1 et pour un flyer A6. Et, notamment s'il doit créer une image, il le faire à la taille maximale voulue (l'agrandir après coup diminuerai sa qualité ce qui serai quand même dommage).

5) Ne demandez pas à intégrer des images que vous auriez trouvée sur internet. 2 Raisons à cela :
a) cette photo que vous voulez utiliser, quelqu'un l'a prise, et ce n'est pas parce qu'il l'a mise sur internet qu'il vous autorise à l'utiliser, le droit d'auteur c'est important.
b) la résolution écran et la résolution pour l'impression sont deux choses bien différentes. Pour autant que vous le sachiez cette image qui semble belle sur votre écran d'ordinateur fera peut-être 3x3cm sur votre imprimante alors en faire une affiche...
En règle générale faites attention à vos formats et poids d'image. Un jpeg de moins de 1Mo est probablement inexploitable pour l'impression. Si vous avez des logos à intégrer, le mieux c'est qu'ils aient une extension .ai, .eps, ou à la grande rigueur .png.

6) Concernant les corrections, plusieurs conseils :  
a) Essayez d’être précis, pensez au marguerites, si vous voulez grossir un objet c'est un peu, beaucoup ou passionnément ?
b) N'oubliez pas qu'un objet ne se déforme pas, diminuer ou augmenter sa taille aura des conséquences aussi bien sur la largeur que sur sa hauteur.
c) Au maximum, ne faites pas "faire d'essais", notamment si le graphiste vous dis qu'il pense que ça n'ira pas, faites lui un peu confiance, ce sera rageant pour lui de passer beaucoup de temps sur un "essai" que vous rejetterez finalement parce que effectivement ça ne va pas.
d) Si vous n’êtes pas sûr d'une correction prévenez le, il pourra dupliquer son fichier et ainsi revenir a la version précédente si besoin, sans avoir besoin de tout refaire.
e) Évitez au maximum les corrections par téléphone, si le graphiste les fait en direct, comme il n'a sans doute pas de casque, il va galérer avec une seule main ou se choper un torticolis, s'il ne les fait pas en direct c'est le meilleur moyen pour que la moitié des corrections passent à la trappe. Faites des mails et ne vous inquiétez pas, si quelque chose n'est pas clair pour lui ou manque de précision, il vous appellera.

7) Si vous avez un doute sur la moindre des questions précédentes demandez à votre graphiste. Il est tout à fait possible qu'il ai déjà travaillé avec le public que vous visez et qu'il sache parfois les réponses mieux que vous. Étant le prestataire il ne vous les imposera pas de lui-même mais si vous lui demandez il pourra sans doute vous aiguiller.

8) Si vous ne comprenez pas pourquoi il a fait ceci ou cela (mis du vert en bas à droite ou la date en plus petit que le lieu) n’hésitez surtout pas à lui demander pourquoi avant de lui dire de changer. Non seulement il sera ravi que vous vous intéressiez aux dessous des choses, mais en plus il a sans doute une très bonne raison d'avoir fait ça comme ça et pas autrement et qui sait il pourrait même vous en convaincre.

Voila voila. J’espère que votre lecture n'a été ni trop vexante ni trop indigeste. N'oubliez pas que dans une relation de client à prestataire c'est comme dans un couple, rien de mieux que la communication pour éviter les crises.
Dernier conseil, ne vous complexez pas en vous disant que vous êtes un client relou, ayant moi-même été coté "client" de la barrière je peux vous assurer que ça fait partie du job. Cela dit, ces quelques conseils devraient vous aider à faire parti des clients "un peu relou mais avec qui on aime bien bosser quand même" et c'est déjà beaucoup.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Très digeste et instructif !
J'ai voulu faire appel à un graphiste mais finalement, j'ai eu l'immense chance d'en avoir une qui débute et ne voulait pas être payée pour ("prends mon argent !").

Ce qui est marrant, c'est que nombre de ces recommandations s'appliquent aussi aux clients qui font appel à des traducteurs, comme le montre le site "Clients from Hell".

Si ce n'est pas indiscret, tu es graphiste salariée maintenant ?

ioionette a dit…

Merci !
Je vais aller regarder ce site tien !
Ce n'est pas indiscret, je suis effectivement graphiste salariée, mais mon travail est uniquement technique. Je conserve mon côté créatif pour faire des travaux personnels et pour les amis, qui, comme je ne les fait pas payer, sont beaucoup plus cool.

Anonyme a dit…

Oui, il doit aider à décompresser ^^
Merci pour les précisions !