mercredi 10 décembre 2014

J'ai rendez-vous avec toi : Mon père de l'intérieur

J'ai rencontré Lorraine à Groix, chez Lizette, au court d'un de ces apéritifs chaleureux dont l'île semble spécialiste. On me l'a présenté comme une écrivaine, qui vient souvent à Groix et dédicace ses romans à la Boutique de la mer de Pat et Mimi. Soyons honnêtes, j'ai acheté J'ai rendez-vous avec toi parce que j'avais son auteur en face de moi et que je la trouvais sympas, mais dans une librairie, ce n'est totalement pas le genre de livre sur lequel mon choix se serait porté. Parce que bon, la politique du XXe siècle et les relations père-fille ne sont pas vraiment les sujets littéraires vers lesquels mes goûts me portent.
Cela dit, je ne regrette pas.
Ce n'est pas une, mais trois histoires que ce roman nous raconte. Il y a celle de Christian Fouchet, pivot autour duquel s'articule le livre, militaire, ministre, ambassadeur qui rebondi d'Angleterre en Algérie et d'Inde en Pologne au gré des événements d'une Histoire mondiale agitée et des désidérata d'un De Gaulle exigeant. Il y a celle de sa fille lui racontant comme s'il pouvait l'entendre ce qu'elle a fait de sa vie depuis qu'il est mort à l'aube de son âge adulte. Et il y a celle de cette même fille découvrant ce qu'a fait son père dans sa vie, en dehors d'être son père.
C'est très bien écrit et passionnant. Même s'il ne s'agit pas de sujets qui trouvent en moi une résonance personnelle, j'ai été très touchée par la quête de Lorraine, celle qui la fera passer au cours du livre de "papa" à "mon père". Je pense qu'on a tous vécu ce moment si bien chanté par Reggiani où il faut "se quitter parents pour se retrouver amis", où l'on se met à aimer ses parents non pas à cause des liens du sang, comme une obligation, mais parce que ce sont des gens biens et qu'on est heureux de les connaître. Ce moment que nous vivons plus ou moins tous à la fin de notre adolescence, l'auteur n'a pas eu l'occasion de le concrétiser avec son père, décédé sans lui en laisser la possibilité. Lire son cheminement vers ce sentiment, quelques 40 ans plus tard, relaté on ne peux plus directement dans ces pages, donne un sentiment difficile à décrire de soulagement, d'attachement et de joie, et aussi ce petit pincement au coeur qui fait la marque des livres dont on se rappelle longtemps.

"Dans notre dialogue aujourd'hui, il y a du suspense, de l'émotion et des morts, le souffle de la grande Histoire. Il n'y a pas de cul, ça se vendra moins bien, forcément. Les parents et les enfants ne parlent pas de sexe ensemble, c'est tabou. Il n'y a pas de cul mais c'est tout de même une histoire d'amour. Et en plus, le personnage principal meurt à la fin. Un livre qui finit mal fait plus sérieux, surtout en période de crise."

1 commentaire:

Lorraine a dit…

Merci d avoir lu, fait le pas, et compris, avec délicatesse et générosité…
Lorraine