vendredi 7 juin 2013

Du domaine des Murmures

J'évite en général les roman ou les films qui se déroulent au moyen âge parce que, en tant que reconstitutrice, il suffit d'un menu détail anachronique pour me faire décrocher complètement du récit en mode "mais non mais qu'est ce que c'est que çaaaaa". Impossible ensuite de se replonger dans l'histoire comme si de rien n'était et voila donc gâché la lecture d'un roman ou le visionnage d'un film qui n'est pas mauvais par ailleurs. Inutile de dire que trouve ça bien dommage. Du coup en règle générale j'évite. Sauf que là, Du domaine des murmures à beau se passer en 1187, non loin de ma période de prédilection, ça reste un roman de Carole Martinez. Auteure dont j'avais lu et adoré le premier ouvrage : Le coeur cousu. J'ai donc décidé de tenter ma chance en espérant qu'il y ai peu de fautes historiques évidentes ou que le livre soit si bien écrit que je ne m'en rendre pas compte. Au final je ne sais pas trop si une de ces deux options s'est réalisée mais je n'ai eu aucun mal à parvenir au bout de ce court roman et même, j'ai regretté sa brièveté.
Ce n'est pas tant qu'il n'y ai pas d'erreurs historiques je pense, c'est surtout que je ne les ai pas vues passer, non pas parce que c'est très bien écrit, même si c'est le cas, mais surtout parce que, pour une fois, les personnages ne sont pas anachroniques. Je m'explique. J'ai lu et plutôt apprécié Les pilliers de la terre de Ken Follet qui se passe sensiblement à la même période mais, si c'est un roman sur le moyen âge, les façons de penser des personnages y sont complètement anachroniques. Ils sont plutôt laïque/incroyant pour une bonne partie d'entre eux, les femmes y sont ambitieuses et indépendantes, des attitudes résolument contemporaines. Ce n'est pas le cas dans le roman de Carole Martinez dans lequel ce n'est pas tant le contexte extérieur et ses détails (vêtements, activités...) que les personnages qui créés l'impression qu'on a de se retrouver au moyen âge.
Au début de l'histoire, nous suivons une jeune fille de 15 ans, Esclarmonde, très aimée de son père et très éduquée (pour une fille), qui refuse son mariage et, pour y échapper, s'offre à Dieu. Elle sera emmurée vivante dans une cellule au flanc de l'église, recevant les pèlerins, priant et jeûnant pour le salut de tous.
Si l'héroïne utilise sa foi pour échapper à un destin dont elle ne veut pas, elle n'en est pas moins farouchement croyante. Pour tous les personnages de l'histoire d'ailleurs, l'existence de Dieu et son omniprésence sont des évidences, au même titre le fait que l'herbe soit verte. La religion n'est pas un choix mais un fait. Et lorsque l'on y réfléchi un peu, il est fort probable que les hommes et femmes du Moyen Âge pensaient effectivement ainsi. À partir de là, on peut voir les personnages se débattre pour plier ou contourner la religion afin qu'elle serve leur volonté et leurs ambitions et s'en servir au final, comme un outil mis à leur disposition. Un usage logique à l'époque mais que dans mon esprit du XXIe siècle, je n'aurai jamais envisagé.
Vous l'aurez compris, je vous conseille donc chaudement ce livre, narré à la première personne par une héroïne terriblement humaine et attachante jusque dans ses erreurs, très bien écrit par une auteure dont j'aime plus que jamais la prose et se déroulant à une époque passionnante.

"Je me suis glissée quasi nue dans la nuit comme en une robe neuve.
C'était une aurore de presque été."

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