mardi 5 novembre 2013

Scandaleuse Élisabeth

Après vous avoir parlé de façon un peu abstraite du genre, j'ai décidé de vous parler d'un cas "pratique", voici donc ma dernière lecture en date.
Ce roman est un cas à part, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord il est écrit pas une auteure française, ce qui est à souligner au sein d'une production quasi exclusivement anglo-saxonne. Ensuite l'histoire se place dans un contexte très peu utilisé dans ce type de livre, Paris à la fin du XVIIIe siècle. Les destinations les plus courues, et de loin, pour les romances sont l'Écosse et l'Angleterre et les époques les plus usités, le moyen âge et l'époque pré-victorienne, du coup, ça change.
Nous suivons donc Élisabeth d'Arsac, jeune femme noble réfractaire au mariage et Henry Wolton, armateur appartenant à la délégation américaine (les État-Unis sont en pleine guerre d'indépendance et requièrent le soutien de la France contre la perfide Albion) qui se cherchent et se fuient dans les rues et les salons de la capitale.
Bien écrit et facile à lire, j'ai beaucoup apprécié ce court roman.
De façon étonnante, l'héroïne n'est pas le personnage auquel je me suis le plus attachée et identifiée, malgré son fort caractère et peut être même à cause de lui. En effet, elle a ce défaut d'anachronisme, très récurant dans les romans historiques dont j'avais déjà parlé, notamment à propos du Domaine des murmures. C'est très souvent le cas dans la Romance et en règle générale, je l'accepte assez bien, considérant cela comme un moindre mal puisque cela permet d'avoir des personnages féminins de caractère. Si cette fois cela m'a gêné, je pense que c'est parce qu'Élisabeth est le seul personnage sur lequel j'ai remarqué ce défaut. Je ne connais pas suffisamment l'époque traitée pour affirmer que les autres personnages n'ont pas, eux aussi des côtés anachroniques, mais en tout cas s'ils les ont, c'est de manière bien moins importante. Contrairement à Élisabeth qui semble quasiment toujours ne suivre que ses envies, la plupart des autres protagonistes tiennent compte de la société dans laquelle ils évoluent et semblent ressentir fortement la pression sociale, très lourde à l'époque. Les parents d'Elisabeth se débattent entre la pauvreté qui les guette et la nécessité de garder un train de vie conforme à leur place en société, son prétendant doit composer avec son statut de roturier et une société qu'il connait mal, sa meilleurs amie, veuve, semble être victime de rumeurs concernant ses moeurs. Tous semblent oppressés par la société dans laquelle ils vivent, se débattant du mieux qu'ils peuvent au sein d'un univers qui ne leur laisse que peu de possibilités et dont le déclin se fait sentir. J'ai donc beaucoup aimé la plupart des autres personnages, très humains et sensibles et j'ai suivis avec intérêt leurs parcours.
Cela d'autant plus que, roman se passant en 1778, le lecteur moderne à conscience que, dans une petite dizaine d'années, le monde que nous décrit l'auteur sera détruit, tout ce qui fait le quotidien des personnages disparaitra et quelques uns d'entre eux perdront même peut être la vie dans la tourmente de la révolution. Oui je sais, ce sont des personnages de fiction, il n'ont pas vraiment vécu, mais l'imminence du bouleversement dont nous avons conscience fait que l'on sait que le "happy end" obligatoire dans la romance n'est que temporaire. L'auteur prend bien sûr le soin de mettre ses personnage principaux à l'abri mais les autres ? S'ils n'ont pas de doutes sur leurs avenirs, nous en avons pour eux et j'ai fermé le livre avec une sorte d'angoisse diffuse et le souhait que l'auteur me rassure avec un prochain tome qui nous ferai retrouver tout ce petit monde sain et sauf après la révolution.

"La mélodie des violons leur parvenait, mais comme assourdie par la distance et le manque de lumière"

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