mercredi 21 août 2013

Reconstitution / Évocation / Médiéval-fantastique - Les costumes féminins

Je vais aujourd'hui vous parler d'un sujet que j'ai déjà abordé dans mon article sur la fête de Provins mais sur lequel je souhaite revenir plus en détail. Lorsque vous vous promenez dans une fête médiévale, vous pouvez croiser trois types de costumes : les reconstitutions, les évocations et les médiévaux-fantastiques. Ces vêtements procèdent de trois démarches très différentes que je vais tenter, dans la mesure de mes moyens, d'expliquer ici.
Comme une petite image vaut mieux qu'un long discours, j'ai entraîné Dame Léo dans une tentative de séance photo démonstrative. Amaël et l'Anglais n'ayant pu se joindre à nous, les costumes masculins feront l'objet d'une deuxième séance photo et donc, d'un deuxième article.


1- La Reconstitution
Le principe de la reconstitution, c'est de tenter de reproduire le mieux possible, en tenant compte de nos moyens techniques et à l'aune de nos connaissances actuelles, les vêtements et accessoires qui étaient portés à l'époque choisie. Pour ce faire, on commence par rechercher des représentations de personnages ayant en commun une époque, une localisation et un statut social précis. Il peut s'agir de sources visuelles (enluminures, tapisseries, statuaires...), écrites (inventaires de décès ou de douanes, chroniques...) ou encore archéologiques. L'idéal, c'est d'avoir différentes sources que l'on peut recouper entre elles. Par exemple, une enluminure pourra nous donner une idée de la silhouette générale, une statue nous permettra de voir l'arrière du vêtement ou le détail d'une ceinture, l'archéologie nous renseignera sur les tissus à utiliser et un inventaire écrit complètera le tout en nous donnant une idée plus précise des couleurs utilisables. Et c'est à partir de ces puzzles d'éléments ainsi assemblés que l'on réalise ou que l'on fait réaliser les vêtements et accessoires choisis.
Bien sûr la reconstitution n'est pas une science exacte et l'on fait régulièrement de nouvelles découvertes qui remettent tout en perspective et rendent nos costumes obsolètes. De la même manière il est quasi impossible et très coûteux de trouver les matières premières idéales. On se passe donc en général de laine tissé à la main et teinte naturellement par exemple même, si cela crée d'inévitables approximations.
Sur la photo ci-dessus, Dame Léo (à gauche) est en costume de la première moitié du XVème, moi (à droite) en mi-XIIIème. Ces deux tenues sont de statut relativement élevé. Elles ne sont bien sûr pas exemptes de quelques défauts, la mienne notamment n'est pas assez longue par rapport a mon statut social (15 cm de surplus devraient traîner par terre). Une erreur que je compte régler sur ma prochaine tenue bien que ça ne soit pas vraiment pratique de marcher avec une longueur historiquement correcte.


2 - L'évocation
Faire un costume d'évocation, c'est s'arranger avec ce qu'on sait de la mode de l'époque choisie. Plusieurs raisons possibles à ça. 
Ça peut être pour une question de praticité : raccourcir une robe trop longue pour marcher facilement, élargir des manches qu'on ne pourrait sinon pas retrousser, supprimer une coiffe trop difficile à mettre et à supporter toute la journée sont les exemples les plus courant. 
Ça peut aussi être pour une raison purement esthétique. Nos goûts en matière de mode ayant énormément évolués par rapport à ceux du Moyen Âge, il est courant qu'on ne trouve pas "beau" ce qui pour une personne de l'époque était le summum du chic. Or, quitte à porter un costume, autant se sentir à son avantage dedans. D'où souvent l'ajout de décorations historiquement inexistantes, l'association de couleurs qui "vont bien ensemble" plutôt que de couleurs avérées, le cintrage de vêtements normalement volontairement très larges.
Ça peut finalement être le manque d'envie, de motivation ou de possibilité de faire des recherches. On choisit alors souvent de reproduire ce que l'on a vu et aimé sur ses voisines (ou voisins) de camp, sans vérifier d'où ils les tenaient, ou si les éléments pris à droite et à gauche sont cohérents entre eux. 
Ainsi si le costume de Dame Léo arbore une coupe existant bien au XIVème siècle, sa surabondance de galons décoratifs en fait tout de même un costume d'évocation. De mon côté ce sont les accessoires qui tendent vers l'évocation, la ceinture trop longue (comme celle de Dame Léo d'ailleurs) et portée trop sur les hanches (si c'est sa place normale de nos jour, au moyen âge on ceinture la taille, donc bien plus haut) ainsi que l'escarcelle en cuir et le "bandeau diadème" sont très décalés par rapport au reste de mon costume. Les uns parce qu'ils n'ont jamais existés, les autres parce qu'ils ne sont pas en accords avec mon statut, mon époque ou même mon sexe.


3- Le médiéval-fantastique
Les costumes dit "médiévaux-fantastique" ont ceci de particulier qu'ils ne se basent pas sur le Moyen Âge en lui-même mais sur les fantasmes qu'il a fait naître. J'entends par là les récits de fantasy bien sûr, notamment les livres de Tolkien ou plus récemment la saga du Trône de fer, mais aussi les jeux de rôle, sur table aussi bien que virtuels, la légende Arthurienne, les contes de fée et même une ou deux pièces de Shakespeare. Tous ces univers imaginaires ont été richement illustrés par différents auteurs, peints par les préraphaélites, portés sur petits ou grands écrans à de nombreuses reprises. Et de toute cette matière visuelle a finalement émergé un "style" de costume qui, s'il est un peu fourre-tout et évolue en même temps que la pop culture à laquelle il se référence, ne manque pourtant pas d'une certaine cohérence.
Le costume porté par Dame Léo dans la photo ci-dessus, s'inspire fortement d'un tableau très connu de Edmund Blair Leighton. Elle lui a associé des accessoires très "elfiques", couronne de fleur et gros médaillon. De mon côté j'ai rajouté un corset (plus précisément un serre-taille) sur ma robe ainsi que des bracelets de force, deux pièces très présentes dans le vestiaire medfan, quoi que les bracelets soient plus courant chez les hommes.

3 commentaires:

Mark Twang a dit…

Une typologie qui devrait être distribuée aux visiteurs des fêtes médiévales et des manifestations qui vont avec.

Chris a dit…

Sympathique comme petit guide du costume pour les non initiés.

Ceci dit la limite entre Reconstitution et Évocation n'est vraiment pas évidente.
Il y a toujours une part de l'un dans l'autre. Sur un tas de période et surtout sur les périodes les plus anciennes, la représentation iconographique a beaucoup de limites.
Sachant que dans une peinture, il y a toujours les canons de représentation d'une époque donnée.
Par exemple, pour la Renaissance, tous les tableaux laissent à penser que les femmes portaient un corp ou corset hyper rigide aplatissant la poitrine hors l'ensemble des statues de la même période laissent plutôt penser que si corp ou corset il y avait, il suivait beaucoup plus les courbes du corps féminin (seins bien apparents !).
Il est donc très difficile de faire la part des choses entre ce que devait être vraiment les costumes et ce que l'artiste représente "pour faire joli".

Amicalement
Chris

ioionette a dit…

Oui Chris la limite entre reconstitution et évocation n'est pas évidente on est d'accord, cela dit selon moi (et c'est ce que j'essaye d'expliquer dans l'article) la limite est dans l'intention, ce sont deux démarches différentes.
On n'est bien sur pas à l'abris de fausses interprétations en reconstitution et il faut parfois faire des choix difficiles. Comme tu l'exprimes bien dans ton exemple, il y a des dilemmes qui ne peuvent être résolus par le croisement des sources. Cela dit, cela reste pour moi de la reconstitution car on a l'intention de faire au plus juste par rapport à l'histoire. Je parle d'évocation lorsque l'on sait que les partis pris que l'on choisi contredisent les sources dont on dispose, et qu'ils sont dictés par d'autres considérations (pratiques, esthétiques, etc...) et pas par un manque de connaissances.