vendredi 28 juin 2013
Tri Yann en concert (x2)
En tant que fille de bretons j'ai grandis avec du Tri Yann dans les oreilles. Je n'avais pas 15 ans que je devais déjà connaître une bonne partie de leurs chansons par coeur. Et pourtant, je ne les avais jamais vu en concert jusqu'à il y a deux semaines. Depuis je les ai vu successivement à la fête de la fraise (non ce n'est pas une blague...) et aux Clayescibels.
Avant de vous parler du concert en lui-même, une petite présentation du groupe s'impose. Tri Yann a commencé sa carrière en 1970. Il s'inscrit en plein dans le mouvement du "renouveau celtique" de ces années là (on remercie Allan Stivell), qui à lui même entraîné le "renouveau de la musique traditionnelle" dont Malicorne est l'un des plus fameux représentant. Tout les groupes appartenant à ces mouvances ont à cette époque repris des chansons traditionnelles en les actualisant, les instruments modernes se mêlant aux instruments anciens au sein de nouveaux arrangements. Ce mouvement musical a connu un grand retentissement et, il faut le dire, rares aujourd'hui sont les personnes qui connaissent les chansons traditionnelles par un autre biais (attention, je parle ici du "grand public"). Ce mouvement a donc permis que la tradition musicale ne se perde pas, mais, d'un autre point de vue, il l'a en quelque sorte figée, emprisonnée dans des interprétations particulières, celles qui ont été diffusées et qui ont eu du succès. Comme preuve, faisons une expérience, essayez donc de vous imaginer une autre version de Tri Matelod que celle d'Allan Stivell. pas facile non ?
Quand on s'intéresse à la musique et au chant trad, la première chose à faire est donc d'expulser ces références et de revenir aux collectages (comme j'en ai déjà parlé ici). Après Tri Yann est aussi un cas à part, en effet, si dans le milieu du trad on vous détrompera gentiment lorsque vous vous référencez à Malicorne ou à Allan Stivell, la réaction risque d'être bien plus violente si c'est Tri Yann que vous convoquez comme référence. Pourquoi cette différence ? Comme le sujet est visiblement un peu délicat, c'est assez difficile d'obtenir des informations. Cela dit, mon opinion c'est que le problème est double. Tout d'abord les interprétations de Tri Yann sont festives et pleines d'énergie mais elles ne brillent pas forcément par leur subtilité comparativement à d'autres et elle peuvent donc être considérés comme des appauvrissements par rapport aux matériaux d'origine. Deuxième problème, depuis le début des années 80, Tri Yann propose aussi ses propres compositions, compositions qui sont souvent basées sur des airs traditionnels sans que cela soit dit. Il faut ajoutez à ça qu'ils déposent systématiquement les morceaux qu'ils enregistrent (y compris les trads), à la Sacem. Cette démarche n'empêche pas la reprise des morceaux mais nécessite, si on veut le faire, de prouver à l'organisme qu'on ne reprend pas l'arrangement du groupe mais bien le traditionnel duquel il découle. Il en résulte donc une vrai galère administrative imposée aux autres groupes de trad qui voudraient piocher dans le répertoire breton. Tout cela explique assez bien que dans le milieu trad, Tri Yann n'ai pas vraiment la cote.
De mon côté, même si je ne considère pas les problèmes que je viens d'évoquer comme négligeables, je reste très attachée à ce groupe et je n'oublie pas que, sans eux, je ne me serai probablement jamais intéressée à la musique traditionnelle. C'est donc avec des sentiments très ambivalents que je me suis rendue à ces deux concerts.
Je n'ai clairement pas regrettée d'y être allée. Le groupe est dans sa 42ème année d'existence, ses trois co-fondateurs (Jean-Louis Jossic, Jean Chocun et Jean-Paul Corbineau) ont 65, 66 ans et pourtant ils s'agitent plus sur scène que bien des groupes plus jeunes. L'énergie qu'ils mettent dans leurs concerts est impressionnante et le plaisir visible qu'ils prennent à communiquer avec le public est très contagieux. Le choix des morceaux est intelligent, mêlant chansons très connues et moins attendues dans une bonne proportion. Les costumes loufoques et les longues histoires mi-réelles mi délirantes de Jean-Louis Jossic (cette fois ça sera sur Marie Tromel) sont bien là et attendus par le public car ce sont des marques de fabrique du groupe. Musicalement c'est très solide et maîtrisé, mention spéciale à la flute et au violon. C'est au niveau des voix que j'ai senti la plus grande différence entre les deux concerts. À la fête de la fraise le public était plutôt tiède et on sentait les chanteurs un peu fragiles, Jean-Paul Corbineau notamment. Par contre devant le public enflammé des Clayescibels, ils ont semblé bien plus engagés et solides, les polyphonies étaient une réussite et nous avons eu le droit au Mariage insolite de Marie la bretonne durant le rappel alors qu'elle n'avait pas été jouée au précédent concert.
En conclusion, les Tri Yann sont des vrai showmen, qu'on apprécie ou pas les autres aspects du groupe, ça vaut le coup de les voir sur scène.
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